M’hamed Oualdi – L’esclavage dans les mondes musulmans

Des premières traites aux traumatismes

C’est l‘émission Paroles d’histoire qui m’a donné envie de me procurer cet essai historique. Je redoutais cela dit une certaine bien-pensance en lisant sur la quatrième de couverture ces mots : « ne sert qu’à relativiser la gravité de la traite atlantique » ; peur du wokisme, de l’éternelle injonction gauchiste à la culpabilisation de l’homme blanc, rendant impossible le débat historique. Il y a vingt ans était publié le monumental essai de l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau Les traites négrières – Essai d’histoire globale. Certains militants (des « woke » avant l’heure) l’avaient descendu… alors qu’il est maintenant considéré comme une référence, montrant toute la complexité de l’esclavage des Africains.

Finalement j’ai beaucoup apprécié celui-ci dans l’ensemble, malgré quelques points de désaccord. Le lecteur découvrira les différents types d’esclavage dans plusieurs régions du monde musulman, ne se limitant pas aux traites négrières mais traitant aussi des esclaves européens en Méditerranée et de leurs équivalent musulmans en Europe (dans le cadre de la « guerre de course » entre chrétiens et musulmans, s’étalant sur plusieurs siècles), dans toutes leurs nuances (notamment pour l’esclavage administratif et militaire où, en terre d’islam, des esclaves pouvaient connaître une ascension sociale exceptionnelle), sans atténuer le moins du monde la cruauté des pratiques esclavagistes.

Sa remarque sur la relativisation de la traite négrière atlantique par ceux qui abordent le sujet de l’esclavage musulman, que je craignais, est en vérité axée contre les travaux de Tidiane N’ Diaye et Robert C. Davis, visiblement très orientés (j’avais lu le premier il y a des années, Le génocide voilé, qui effectivement ne faisait pas dans la dentelle et manquait d’assise scientifique solide). En revanche je ne le rejoins pas quand il affirme dans le Nouvel Obs qu’on ne pouvait « comparer l’esclavage des mondes musulmans et la traite atlantique » alors que cette lecture m’a donné l’impression exactement inverse! Il y a évidemment des différences entre les deux tragédies, mais les points communs sautent aux yeux.

Plus irritant sont certaines de ses prises de position en rapport avec l’actualité, écrivant par exemple que l’Union européenne était d’une certaine façon coresponsable des ventes d’esclaves de ces dernières années en Libye car elle refusait d’accepter les migrants africains sur son sol. Que cela plaise ou non à l’auteur, la maîtrise des flux migratoires est parfaitement légale et légitime – surtout vu le contexte politique actuel et les multiples tensions identitaires qui en résultent. Et ce, en Europe, en Afrique comme en Asie, quel que soit l’Etat souhaitant protéger ses frontières…

Passé cet aspect, le livre n’en reste pas moins très bon, riche en informations sans être franchement volumineux (237 pages), remettant en cause nombre d’idées reçues. Je le conseille donc à ceux qui s’intéressent au sujet. 

A propos Ludovic

Passionné d'histoire contemporaine, militaire et géopolitique, je chronique essentiellement sur ces sujets.
Cet article a été publié dans Esclavage, Histoire - Autres, Immigration, Islamisme, Lectures. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire